ajout d’une section sport etude
à ngodi-si
ajout d’une section sport etude
à ngodi-si
Le Père Emmanuel Marie Mbock Mbock est né en 1956 dans le petit village traditionnel de Ngodi-Si, qui appartient à la commune de Dibang, elle-même composée de 29 villages. Nous sommes dans la région centre du Cameroun, dans le département du Nyong-et-Kéllé. Proche de Ngodi-Si se trouve Ngodi-Lom tandis que les autres localités sont éloignées de plusieurs kilomètres, dispersés dans la brousse, au sein de l’immense forêt tropicale.
Son père, Paul Mbock, a eu deux enfants d’un premier mariage mais sa femme est décédée des suite d’une morsure par un chien enragé. Il était déjà âgé quand il a épousé Anne Ngo Mang. Quatre enfants sont nés de cette union, Emmanuel est le deuxième.
“Comme les autres villageois, mes parents travaillaient la terre. Ils coupaient quelques arbres et défrichaient à la main un petit lopin pour pouvoir cultiver du macabo, du manioc et de l’igname, tubercules qui représentent encore aujourd’hui une gde partie/ l’essentiel de l’alimentation de la population. Ces récoltes étant saisonnières, il faut tenir le reste de l’année avec ce que l’on a.
Dans une zone tropicale, en brousse, il est très difficile voire impossible de conserver des aliments à long terme.
Mon père n’avait plus la force d’en faire davantage. Ma famille était la plus pauvre du village. Nous n’avions rien, nous mangions à peine un petit repas le soir et encore, certains jours, nous nous couchions le ventre vide. Ma mère tentait tout ce qu’elle pouvait pour nous nourrir. Rarement, elle rapportait un peu de poisson de la rivière. Nous n’avions jamais de viande.
A partir de l’âge de 10 ans, je me suis rendu à l’école primaire de la mission catholique de Mom-Dibang, situé à 9 km de notre village. Je devais y être pour 6h du matin car j’aimais servir la messe et voir le prêtre en soutane. J’avais très peur des fantômes alors ma mère m’accompagnait, à pied évidemment, à travers la grande forêt épaisse jusqu’à ce que le soleil se lève puis elle faisait demi-tour. Je continuais seul au milieu des dangers possibles. Un trajet me prenait deux heures. D’autres enfants venaient de villages encore plus éloignés que le mien.
Faute de moyen, je suis le seul de la fratrie à avoir pu poursuivre les études au-delà de l’école primaire. Plus tard, j’ai pu payer les études au dernier-né de la famille.
Le soir, je rentrais seul et arrivait vers 19h. Il faisait déjà nuit car le soleil se couche chez nous à 18 heures. Après la journée passée à étudier et 4h à parcourir 18 km de sentier encombré de broussailles, je recevais mon seul repas de la journée…si j’avais de la chance ! A la mission, on ne nous servait qu’un peu d’eau, jamais de nourriture.
Le soir, je ne pouvais étudier ni faire les devoirs car il n’y avait pas de lumière au village. Le samedi et le dimanche, les enfants aidaient les parents aux champs et à la maison. Nous cherchions de l’eau à la rivière accessible à 1 km du village, nous faisions ainsi plusieurs trajets en portant des seaux“.
Emmanuel n’a que 16 ans quand père meurt dans de terribles douleurs des suite d’une hernie étranglée. Faute d’argent, il doit renoncer à suivre des études au petit séminaire. Grâce à son ingéniosité et sa persévérance déjà bien affirmées, ainsi qu’à l’aide de bienfaiteurs occidentaux, il entre au petit séminaire de Bonepoupa situé à 38 km d’Eséa, dans la région du Littoral. Puis il intègre le moyen séminaire de Douala et plus tard, le grand séminaire de Strasbourg.
Il est ordonné prêtre le 11 aout 1985 à l’âge de 29 ans. “Une grande joie mais également le souhait de rendre grâce à Dieu. Je viens d’être ordonné par le Pape et pour moi, c’était un miracle. Je décide de faire mon possible pour soutenir les miens, je me débrouillerais pour faire construire une école dans mon petit village natal de Ngodi-Si“.
Le 15 février 1988, le Père Emmanuel fonde à Mulhouse AFRIQUE FUTURE avec Bernadette Escher, son frère Gérard, Thérésia et son mari Volker ainsi que d’autres amis français, allemands et canadiens. L’aventure démarre à Ngodi-Si et à Ngodi-Lom par la construction de trois ponts destinés à désenclaver ces deux villages isolés et à sécuriser les déplacements des enfants et des adultes. En même temps, des dizaines de kilomètres de piste menant à Ngodi ont été crées ou réhabilitées.
Dans cette région tropicale, durant la saison des pluies, les orages apparaissent brutalement et sont souvent très violents. Pendant plusieurs jours après leur passage, les habitants ne peuvent plus accéder à certains lopins de terre qu’ils cultivent en forêt. Les denrées pourrissent alors sur place. Sans pont, il leur est impossible d’utiliser des moyens de transport motorisés pour sortir de Ngodi, pour échanger avec d’autres villages ou se rendre en ville.
Cette situation les contraint à porter sur leur dos et sur leur tête du lourdes charges composées des produits de leur récolte afin de les acheminer vers le marché hebdomadaire de Dibang, petite ville située à 4 km de Ngodi. Hommes et femmes marchent ainsi durant des heures, traversant la forêt dense, empruntant de petits sentiers sinueux ainsi que de multiples passages périlleux tels que des troncs d’arbres, en guise de ponts, placés en travers des rivières. Dans la plupart des villages de brousse, la vente des légumes et des fruits cultivés est quasiment la seule source de revenu.
Les enfants parcourent chaque jour des kilomètres à pied pour se rendre à l’école la plus proche et en revenir, 8 km aller-retour pour les petits et 18 km pour les adolescents. Pendant la saison humide, au cours de leur périple quotidien, ils sont obligés de traverser une à plusieurs rivières à la nage. A certains endroits, la traversée se fait sur un radeau de fortune attaché par des cordes de part et d’autre de la rivière. Le risque de noyade est élevé et nombreux sont ceux qui ont perdu la vie dans les eaux tumultueuses. En marche pour rejoindre leur champ ou pour aller vendre les produits de leur récolte, des familles entières disparaissent ainsi chaque année au Cameroun.
Après ces premiers ponts, d’autres sont construits dans les villages avoisinants, puis 10…puis 100 ponts répartis dans la brousse pour autant de villages désenclavés dont les conditions de vie se sont ainsi améliorées du jour au lendemain.

Les habitants de Ngodi ont souhaité un centre de soin, un véritable hôpital où on soigne et on opère. Car en brousse, les blessures graves sont fréquentes. Le travail du bois est risqué, il peut provoquer des blessures profondes, de larges plaies, des coupures, des éclats de bois dans le visage et dans les yeux. En forêt, la récolte des fruits se fait en grimpant tout en haut d’arbres qui peuvent atteindre 25 m de haut. Nombreux sont ceux et celles, adultes comme enfants, qui payent de leur vie ou de leur handicap. Sur les 5 grands hôpitaux que compte actuellement AFRIQUE FUTURE, le premier a ouvert ses portes à Ngodi-Si en 1993. Il a drainé durant des années une zone géographique comportant plus de 200 000 personnes, soignant et opérant chaque jour des dizaines de malades et de blessés. Malheureusement, la difficulté récurrente puis l’impossibilité de trouver un chirurgien qui accepte de demeurer sur place nous a contraint à transformer l’hôpital en dispensaire.

Durant les années 2003 à 2007, AFRIQUE FUTURE a construit progressivement son grand Complexe scolaire de brousse. Le rêve du Père Emmanuel se réalise enfin: une école dans son village natal afin d’éviter tant de danger et de fatigue aux enfants de la région et pour permettre même aux plus petits de s’y rendre. Aujourd’hui, le complexe est fréquenté par 210 élèves de la classe de maternelle au lycée (40 en maternelle, 85 au collège et 85 au lycée). Ces enfants et ces jeunes sont encadrés par 25 enseignants qui bénéficient de logements construits par l’association pour eux et leur famille.


Le cursus sport étude débutera dès la rentrée scolaire 2025-2026
Cependant, les conditions de vie restent très difficiles et quand il s’agit de survivre, les études des enfants ne représentent pas toujours une priorité pour les familles. Afin de motiver davantage les enfants, le Père Emmanuel a eu l’idée d’ajouter une section sport étude au complexe scolaire. Les élèves pourront suivre le cursus depuis la sixième jusqu’à la terminale, s’adonnant au football ainsi qu’à d’autres sports populaires. Sont prévus un internat pour les filles et un autre pour les garçons ainsi qu’une cantine commune.
Les travaux de terrassement ont commencé le 19 avril 2025, la construction sera prête pour la prochaine rentrée scolaire.
Après les pistes, les ponts, l’hôpital et le complexe scolaire, AFRIQUE FUTURE a fait construire à Ngodi une menuiserie-école, une pépinière, un centre d’accueil et l’église Saint-Michel Archange. Le village comptait 200 habitants, il en comprend aujourd’hui 600. L’installation des structures essentielles a fédéré l’installation de nouvelles familles.
Emmanuel témoigne: “Après les premières constructions, nous sommes heureux. Les familles réparties sur plusieurs villages peuvent se retrouver bien plus facilement. Les échanges commerciaux entre les localités se développent apportant une nette amélioration des conditions de vie à Ngodi. Les villageois ont désormais la possibilité de vendre leurs produits à Dibang lors du marché hebdomadaire qui se tient le jeudi ainsi qu’au grand marché mensuel. Les enfants peuvent se rendre à notre école sans danger. La communauté s’est développée et les conditions de vie se sont améliorées. Ngodi est devenu un centre d’échanges, de culture et de soins“.
